SMC - Santé Mentale et Communautés

L'éloge du risque en psychiatrie

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Association SMC - Santé Mentale et Communautés à Villeurbanne et Lyon

Présentation

L'éloge du risque en psychiatrie Ce livre consacré à L'ELOGE DU RISQUE EN PSYCHIATRIE est le douzième d'une série d'ouvrages dont le premier est paru, il y a plus de vingt ans. Chacun d'entre eux reprend le contenu d'une des sessions biennales du Cours sur les techniques de soins en psychiatrie de secteur organisées à Villeurbanne par l'association Santé Mentale et Communautés.

Depuis sa création il y a plus de vingt ans, les soignants regroupés au sein de cette association défendent, soutiennent et mettent en pratique une certaine conception du soin psychiatrique. Conception dans laquelle ce que vit le patient dans sa relation avec les soignants et leurs dispositifs est le socle, l'aliment et le moteur de son traitement - quelles que soient par ailleurs l'importance et l'efficacité des médicaments ou des techniques spécifiques qui participent ou constituent ce traitement.

Ainsi qu'en témoignent les titres des dix premiers ouvrages de cette série(1), les dix premières éditions de ce Cours - entre 1980 et 2000 - ont été consacrées à cette question des relations des patients avec les soignants et les dispositifs thérapeutiques. Ce sont les années où était en train de se constituer en psychiatrie un double capital. D'une part un capital institutionnel constitué par un ensemble de nouveaux dispositifs de soin, les uns résidentiels comme les appartements associatifs, les communautés thérapeutiques et les centres de crise ; les autres ambulatoires, qui se différencieront plus tard en hôpitaux de jour et CATTP. D'autre part un capital théorique, un authentique corpus de connaissances concernant la relation soignante en psychiatrie - principalement centrée sur ses particularités imputables au fonctionnement mental psychotique au long cours, tel qu'il se révélait dans ces nouveaux cadres de soin.

Cette période, qui va de la fin des années 70 à l'an 2000 et couvre donc le dernier quart du XXe siècle, a été une période d'innovation, de création et de militantisme. Cette nouvelle façon de pratiquer la psychiatrie, initiée dans le secteur psychiatrique du 13e arrondissement de Paris et mise en œuvre avec plus ou moins de dynamisme dans diverses régions de France - et en particulier à Villeurbanne par l'association Santé Mentale et Communautés - a beaucoup mobilisé ceux qui ont pris le risque de s'y consacrer. Il est cependant nécessaire de rappeler que cette psychiatrie-là, hybridation féconde de sectorisation et de psychothérapie institutionnelle, n'a pas toujours eu pignon sur rue. Pendant longtemps elle a senti le soufre. Elle avait en effet des relents mélangés d'antipsychiatrie à la mode anglaise et de psychiatrie sociale à la mode italienne - et se nourrissait d'un bagage théorique longtemps ignoré ou réfuté, aussi bien par la psychiatrie classique que par la psychanalyse orthodoxe, bagage théorique où voisinaient pêle-mêle les concepts de Mélanie Klein, de Winnicott, de Bion, de Rosenfeld, de Bettelheim, de Searles, de Racamier - c'est-à-dire ce que la psychanalyse a produit de plus original depuis Freud.

Pratiquer et défendre cette psychiatrie-là, c'était prendre un double risque : celui du jugement critique de nos collègues, et celui de l'échec. Bon nombre d'innovations de cette époque n'ont d'ailleurs pas survécu aux maladies infantiles qui les guettaient, comme l'idéalisation omnipotente, l'enfermement narcissique dans un fonctionnement de type sectaire, la méconnaissance de la destructivité et des processus défensifs en œuvre dans la psychose qui un jour ou l'autre contaminent ceux qui la fréquentent au quotidien. Mais il était possible alors de prendre ces deux risques-là, celui de la mauvaise réputation et celui de l'échec. Leur existence donnait même à ceux qui s'engageaient dans ces innovations des gratifications narcissiques qui, au-delà des convictions théoriques ou idéologiques, expliquent qu'ils aient pu si longtemps et en si grand nombre en supporter les incertitudes, les inquiétudes et les déceptions.

* * *

Puis peu à peu est venu le temps des bilans, des déceptions, du découragement, de la morosité, en un mot du malaise - c'était le thème, en 2002, de la précédente session de ce Cours biennal, dont est issu l'ouvrage Malaise dans la Psychiatrie(2) . En deux ans, ce vécu s'est encore accru, et le discours de la plupart des professionnels de la psychiatrie est devenu une longue plainte. De toutes parts s'élèvent des gémissements d'où émergent les termes de souffrance, de crise, de désarroi, d'impasse. Beaucoup de raisons sont invoquées pour justifier cette morosité : la stagnation des budgets, l'explosion de la demande, la pénurie de professionnels, la désagrégation du tissu social, les exigences de l'administration, la dilution de la réponse psy, l'apparition de nouvelles pathologies…

Certes, chacun de ces facteurs est à prendre en compte - mais peut-on expliquer ce climat de plainte seulement par ces éléments-là ? Ce qui différencie aujourd'hui d'hier - de cette période créative que je viens d'évoquer - c'est la manière dont les soignants réagissent aux limites et aux obstacles que la réalité oppose à leur projet soignant. Hier, ils réagissaient en s'affrontant avec ce réel qui leur résistait, qu'ils estimaient inadéquat à leur projet soignant : ils l'attaquaient, le modifiaient ou le recréaient. En le faisant, ils prenaient le risque de la mauvaise réputation et de l'échec. Aujourd'hui, ils se résignent bien souvent à la réalité de leurs outils et de leurs conditions de travail, ils renoncent à la remettre en question et à la changer, souvent même ils n'imaginent même pas avoir la possibilité de le faire - et c'est alors qu'apparaissent le découragement et la plainte. Non parce que les soignants d'aujourd'hui sont moins dynamiques ou moins inventifs que ceux d'hier, mais parce que le contexte social actuel, qui valorise le consensus, disqualifie les conflits et érige le double principe d'économie et de précaution en règle de vie, est devenu un obstacle majeur à la prise de risque, c'est-à-dire à l'esprit critique, à l'inventivité et à la créativité.

Notes :

  • Docteur Marcel Sassolas, psychiatre-psychanalyste. Président de Santé Mentale et Communautés, 136 rue Louis-Becker, 69100 Villeurbanne.
  • 1- Techniques de soin en psychiatrie de secteur (sous la direction du Professeur Jacques Hochmann), Actes du Ier Cours International sur les techniques de soins en psychiatrie de secteur, 30 mars-4 avril 1981. Lyon, PUL, l'Autre et la Différence, Troisième trimestre 1983. 272 pages.
    Psychiatries : De révolution…en évolution (sous la direction du Professeur Jacques Hochmann). Actes du IIe Cours International sur les techniques de soins en psychiatrie de secteur. 3-7 octobre 1983. Lyon, Cesura, Mai 1986. 193 pages.
    Le Dedans et de le Dehors. Penser le soin psychiatrique (sous la direction du Docteur Marcel Sassolas). Actes du IIIe Cours International sur les techniques de soins en psychiatrie de secteur. 21-25 avril 1986. Lyon Cesura, Avril 1988. 284 pages.
    Le Théâtre du soin, ses acteurs et ses lieux (sous la direction du Docteur Marcel Sassolas) Actes du IVe Cours International sur les techniques de soins en psychiatrie de secteur. 25-29 avril 1988. Lyon, Cesura, Avril 1990. 238 pages.
    Les parents psychotiques et leurs enfants (sous la direction du Docteur Marcel Sassolas). Actes du Ve Cours International sur les techniques de soins en psychiatrie de secteur. 23-27 avril 1990. Villeurbanne, Santé Mentale et Communautés, Avril 1991. 203 pages.
    Le poids des mémoires, le choc des histoires (sous la direction du Docteur Marcel Sassolas). Actes du VIe Cours International sur les techniques de soins en psychiatrie de secteur. 2-3-4 avril et 19-20-21 novembre 1992. Villeurbanne, Santé Mentale et Communautés, 1994. 200 pages.
    Le soin entre rupture et capture (sous la direction du Docteur Marcel Sassolas). Actes du VIIe Cours International sur les techniques de soins en psychiatrie de secteur. 23-26 mars 1994. Villeurbanne, Santé Mentale et Communautés, 1995. 197 pages.
    Les soins psychiques confrontés aux ruptures du lien social (sous la direction du Docteur Marcel Sassolas). Actes du VIIIe Cours International sur les techniques de soins en psychiatrie de secteur. 26-29 mars 1996. Toulouse, Erès, Mai 1997. 206 pages.
    Le groupe soignant. Des liens et des repères (sous la direction du Docteur Marcel Sassolas). Actes du IXe Cours sur les techniques de soins en psychiatrie de secteur. 24-29 mars 1998. Toulouse, Erès, Février 1999. 230 pages.
    Les portes du soin en psychiatrie. (sous la direction du Docteur Marcel Sassolas). Actes du Xe Cours sur les techniques de soins en psychiatrie de secteur. 21-24 mars 2000. Toulouse, Erès, mai 2002. 240 pages.
  • 2- Malaise dans la psychiatrie. Changement dans la clinique, malentendus dans les pratiques. Actes du XIe Cours sur les techniques de soins en psychiatrie de secteur. 19-22 mars 2002. Toulouse, Erès, Mars 2004. 206 pages.