1. La création, 1968 — 1971
L’année 1968 a vu la naissance de l’association. C’est évidemment une année très particulière. Tous les domaines d’activité ont été impactés, et pour de longues années, par les évènements qui ont marqué la période de mai et juin notamment.
La psychiatrie et la santé mentale n’échappent pas à cette constatation et la création de SMC vient, de ce point de vue, marquer un tournant dans la manière de prendre en charge et de soigner les malades mentaux ou personnes en souffrance psychique comme l’on dit aujourd’hui.
C’est ainsi que deux médecins de l’hôpital du Vinatier, les docteurs Guyotat et Hochmann, ont souhaité alors, avec la création de cette association, expérimenter une forme de prise en charge à l’extérieur de l’hôpital et si possible à proximité du lieu d’habitation de la personne concernée.
Grâce à la compréhension du médecin conseil de l’Assurance maladie cette première expérimentation a pu voir le jour avec un financement public et une convention a été signée avec la CPAM pour la prise en charge des actes médicaux réalisés.
Il convient de rappeler que la sectorisation psychiatrique a fait l’objet d’une première circulaire dès 1960 mais force est de constater que plusieurs années après rien n’avait été mis en oeuvre. Il faut dire qu’une simple circulaire, texte qui n’édicte que des recommandations, était un support assez faible témoignant du peu d’empressement des responsables politiques, des établissements et des psychiatres pour engager une telle révolution dans les soins.
Il faudra d’ailleurs attendre 1985 pour voir la sectorisation psychiatrique entérinée par une loi ; cette dernière avait un objet avant tout financier consécutif aux lois de décentralisation.
Pendant ces trois premières années, l’expérimentation s’est traduite par la mise en place d’un service de soins infirmiers psychiatriques permettant de soigner et accompagner des patients en dehors de l’hôpital.
2. Le développement des activités, 1971 — 1986
À partir de 1971, l’association va se structurer progressivement. Elle obtient, cette année-là, un agrément en tant que dispensaire de soins psychiatriques implanté à Villeurbanne et Bron, au titre de l’annexe XXIII du décret du 9 mars 1956, financé via une convention avec la CRAM. La même année une convention d’hospitalisation à domicile en psychiatrie (déjà) est également signée avec l’Assurance maladie. Enfin, toujours en 1971, un premier lieu d’accueil de jour est créé, devenu ensuite un appartement thérapeutique.
En 1974 est créé le mi-temps thérapeutique, dispositif de prise en charge d’enfants psychotiques et autistes.
Puis successivement, en 1979 puis 1984, deux communautés thérapeutiques sont implantées.
Ainsi, peu à peu, SMC prend de l’importance et s’autonomise par rapport aux services hospitaliers dont elle n’est plus seulement une excroissance implantée géographiquement en dehors de l’hôpital.
Dès cette période, et jusqu’à aujourd’hui, l’association a toujours eu le souci de non seulement développer ses activités mais aussi de partager son expérience avec d’autres et de transmettre. C’est ainsi que dès 1974 un film est réalisé, intitulé Le foyer de la colère montrant le fonctionnement des lieux d’accueil.
En 1981, le premier Cours international sur les techniques de soins en psychiatrie de secteur verra le jour. Ce cours, qui s’étalait sur une semaine à cette époque, rassemble chaque année plusieurs centaines de personnes venant de toute la France et de pays étrangers.
Parallèlement, en interne, l’activité de formation est très présente, avec notamment une supervision proposée à chaque dispositif, l’accueil de stagiaires et la formation d’internes en psychiatrie.
3. L’autonomisation, 1986 — 2008
Ce mouvement d’autonomisation fait suite à la volonté des « pères fondateurs » précités de réintégrer les activités de l’association dans le giron de l’hôpital, considérant que l’expérimentation n’avait plus cours puisque la sectorisation psychiatrique était en place.
De leur point de vue, SMC fait concurrence aux secteurs psychiatriques implantés sur les territoires où intervient l’association.
De leur côté les gestionnaires et salariés de l’association considéraient qu’ils apportaient désormais des activités et services que le secteur n’était pas en mesure de fournir.
Le conflit sera donc assez vif entre les deux parties.
C’est finalement suite à une décision préfectorale que le mouvement d’autonomisation va pouvoir se fonder pour avancer. Ainsi, en 1986, un arrêté préfectoral habilite l’association « à participer à la lutte contre les maladies mentales dans le département du Rhône », ce qui la place au même niveau qu’un établissement de soins psychiatriques. S’en suit en 1987 un financement par dotation globale de fonctionnement toujours en
vigueur aujourd’hui, puis en 1989 une convention signée avec le Préfet précisant les objectifs, publics, moyens et relations avec les autres structures oeuvrant en santé mentale. Sur cette base légalisée, Marcel Sassolas, médecin chef puis président élu en 2000, et Jean Perret, directeur, vont pouvoir développer et créer les dispositifs de soins et d’accompagnement de manière autonome vis à vis de l’hôpital.
L’évolution des organismes de tutelle avec la création des Agences régionales de l’hospitalisation en 1997 ne va pas changer la donne.
En 2004, l’ARH approuve le projet d’établissement et en 2008 le premier Contrat d’objectif et de moyen
(CPOM) est signé. Son annexe 3 reconnaît les orientations stratégiques et les missions de l’association en lien avec les thèmes du Schéma
régional d’organisation sanitaire (SROS).
Grâce à ces reconnaissances successives l’association développe de nouveaux services avec la création de :
- la Maison d’accueil psychothérapeutique — MAP (1986) permettant de répondre, en résidentiel, à des situations de crise ;
- du foyer d’accueil médicalisé de transition Le Florian pour personnes adultes en situation de handicap psychique (1994) ;
- du service de soins Accueil liaison psychothérapie — ALP (1997) service de soins d’immédiate posturgence conventionné avec les Hospices civils de Lyon et les services d’urgence de la Métropole de Lyon ;
- du service de soins Pôle jeunes adultes — PJA (2000) pour la prise en charge précoce des jeunes ;
- du service Lien accompagnement parentalité soin — LAPS (2002) pour accompagner les mères et leurs bébés autour de la naissance.
4. Des incertitudes liées à la question de l’adossement, 2008 — 2010
Malgré les différents développements d’activités rappelés ci-dessus l’association reste de taille modeste notamment au regard des géants hospitaliers. Elle compte environ 60 salariés dont beaucoup travaillent à temps partagé, en particulier les médecins qui exercent souvent parallèlement en cabinet.
Aussi, avec la parution de la loi Hôpital patients santé
territoires en 2009 qui a pour objectifs de concentrer
le tissu des services de soins, le discours de la tutelle,
en l’occurrence l’Agence régionale de santé, est de
plus en plus porté vers la nécessité que l’association
se regroupe avec des structures plus importantes ou,
a minima, s’adosse sur elles.
C’est ainsi que SMC va signer une convention de
partenariat en 2010 avec l’hôpital du Vinatier,
matérialisant ainsi les nombreux services qu’elle est
capable de rendre à l’hôpital, soit en amont pour
prévenir l’hospitalisation, soit en aval, pour faciliter
la sortie des patients et leur permettre plus aisément
de retourner vers un mode de vie autonome.
Malgré ces questions liées à la taille de la structure
il est à noter que l’agence confiera néanmoins le soin
à l’association, en 2011, de mettre en place un service
de soins psychiatriques intensifs à domicile.
Néanmoins ce dispositif est toujours considéré
comme expérimental, ce qui lui confère une certaine
fragilité, dans la mesure où l’hospitalisation à
domicile en psychiatrie n’est toujours pas reconnue
officiellement malgré une forte attente des usagers
et de leurs familles.
5. La diversification des activités, 2010 — 2020
Poursuivant sa recherche constante d’adaptation des dispositifs aux besoins des personnes prises en charge, SMC va développer, à partir de 2010, de nouvelles activités relevant du champ social et médico-social.
En effet, son objectif initial, consistant au
rétablissement des personnes, passe non seulement par
la prise en charge soignante mais également par un
accompagnement de plus longue durée pour permettre
à la personne d’accéder à une vie pleinement citoyenne.
Elle met ainsi directement en application la notion
de parcours très présente dans la loi HPST précitée.
Au-delà des cloisonnements administratifs entre soins,
médico-social et social, souvent liés à des questions
de financement, la personne attend une réponse
globale qui lui permet de revenir, autant que faire
se peut, à l’autonomie.
Ainsi, en 2010, SMC accepte de prendre en gestion
locative dans le cadre d’un partenariat historique
avec Orloges la résidence sociale Ferdinand-Buisson
constituée de douze logements, en 2011 créé avec
l’appui de l’ARS un service de soins psychiatriques
intensifs à domicile (L’HAD) et en 2013, dans le cadre
de l’accord de coopération avec le CH Le Vinatier,
un SAMSAH implanté sur Lyon et Villeurbanne.
En 2017, L’ARS accepte de financer durant deux années
un dispositif de soin expérimental en direction
des groupes familiaux « l’accompagnement familial
thérapeutique ».
En 2019, un dossier de création d’un SAMSAH
Rétablissement a été présenté dans le cadre d’un appel
à projet de l’ARS mais n’a malheureusement pas été
retenu.
En 2021, un regroupement a été réalisé avec
l’association Orloges sous la forme d’une absorption.
Orloges se préoccupe du logement des personnes
en souffrance psychique. Cette association a toujours
été très proche de SMC et partage les mêmes valeurs
et modes de gestion.
Orloges
Fondée en 1980, avec une ouverture en mai 1981, l’association Orloges a aujourd’hui quarante ans.
Sa création est contemporaine des mouvements
de l’histoire de la psychiatrie des années soixante-dix,
quatre-vingt...
La psychiatrie à cette période est en totale
reconstruction, traversée par les courants de
la psychothérapie institutionnelle, de la psychanalyse,
de l’antipsychiatrie, et de la mise en place de la
sectorisation. Mais ces avancées sont aussi freinées
par un hospitalocentriste fort, résistant aux réflexions
d’alternatives à l’hospitalisation.
Les deux co-fondatrices d’Orloges, Michèle Heisser
et Madeleine Faye, travaillent alors au centre
hospitalier de Saint-Jean-de-Dieu. Elles font le constat
qu’un grand nombre de personnes hospitalisées
ont le désir, la capacité de vivre à l’extérieur, tout en
éprouvant des angoisses à l’idée de se retrouver
seules, à l’extérieur de l’hôpital.
Le logement, comme « intimité protégée » leur
est apparu comme une solution appropriée, pour autant
que les difficultés psychiques des personnes ne soient
pas niées, qu’un accompagnement autour du logement
soit mis en place.
Ainsi naît Orloges, à partir d’une intuition nourrie
par la pratique et la réflexion autour desquelles s’est
construit un système cohérent.
En voici les grandes étapes d’évolution :
1. Les relations avec les logeurs
Toute petite équipe au départ, le travail se tourne en
priorité vers les liens avec les bailleurs. La maladie
mentale fait peur, il s’agit donc pour Orloges d’expliquer,
de rassurer, d’être l’intermédiaire qui s’engage
pleinement en cas de problème.
Travaillant d’abord avec les régies privées, ce n’est
qu’à partir de 1986 que des conventions se signent
avec le parc public, élargissant ainsi les offres
de logements dans le grand Lyon. Le système de bail
glissant, rassure bailleurs et personnes hébergées.
Orloges est locataire du logement le temps de la prise
en charge de la personne, qui en deviendra ensuite
locataire.
Depuis 2010, avec la création de la MVS (Maison
de la veille sociale), et la mise en place des accords
collectifs, la mise à disposition des logements
se mutualise, modifiant les façons de travailler
avec les bailleurs.
2. Le cadre institutionnel proposé
C’est avec la mise en place d’un contrat avec la
personne qu’est posé le cadre institutionnel. Ce contrat
précise les engagements, qui seront affinés au cours
de l’expérience acquise, comme la nécessité d’une prise
en charge soignante, de poursuivre les soins engagés,
de participer à des temps collectifs.
Un renforcement des liens avec les équipes
soignantes permet progressivement d’accueillir des
personnes plus désocialisées. Cette articulation
avec le soin s’avère indispensable pour éviter crises
ou « rechutes » trop violentes. Un système d’astreinte
téléphonique le week-end complète le dispositif.
Face à un certain nombre de difficultés, le renforcement
de l’équipe de travailleurs sociaux permet de
développer l’accompagnement individuel à domicile,
les temps groupaux. Les liens avec l’extérieur, la mise
en place de groupes, d’ateliers participent aussi à
répondre à l’isolement. Le fait de partager des activités
avec d’autres, d’apprivoiser sa peur dans la relation,
de trouver place, de tester ses capacités, permet un
co-étayage essentiel, narcissisant, un parmi d’autres,
semblables mais différents.
3. Un développement de l’association par l’ouverture de nouvelles structures
L’équipe et le CA d’Orloges ont toujours été en réflexion sur leur pratique et les besoins du public accueilli. Ces réflexions nourries par les rencontres partenariales, des études et recherches diverses, participation à des colloques, ont permis à l’association de se développer.
En voici quelques dates :
- 1981 Création du foyer d’hébergement (financement Conseil général), dix places en appartements individuels. Création du CHRS (financement État DDCS), dix places en appartements individuels.
- 1996 Création de la résidence sociale Ferdinand-
Buisson avec SMC, Logirel et CLLAJ (Collectif
local pour le logement autonome des jeunes).
Ce projet a vu le jour après une réflexion menée au sein du CRACIP (Collectif rhodanien des associations concourant à l’insertion des personnes en difficultés psychologiques). - 1999 Création d’un appartement collectif de trois places.
- 2000 Ouverture d’un service de suite et de préparation à l’entrée de neuf places.
- 2005 Participation à la création du Gem Gémotion avec l’ASSAGA. Nous en sommes à ce jour le parrain.
- 2008 Ouverture de six places en appartement d’essai.
- 2012 Ouverture d’une résidence accueil à Villeurbanne, 25 places en appartements individuels.
- 2014 Ouverture d’une résidence accueil à Rillieux,
quinze places en appartements individuels.
Ces deux ouvertures de structures se réalisent dans le cadre d’une convention avec le CH du Vinatier. - 2018 Transformation des trois places en appartement collectif en trois places en logement individuel.
- 2020 Extension de trois places en appartement individuel pour le foyer, et une place pour le CHRS.
- 2020 Création d’une équipe mobile sociale, dans le cadre du « logement d’abord », financée par la Métropole.
Cette déclinaison de créations de services, dans des
montages partenariaux pour certains, illustre bien
l’évolution des besoins pour les personnes souffrant de
troubles psychiques, en lien avec l’évolution sociétale.
La préoccupation d’Orloges de diversifier son offre,
tout en restant à taille humaine, en fait véritablement
un espace intermédiaire, lien entre la personne, les lieux
de soins, les institutions sociales.
En 2021, suite à une fragilisation interne de notre
institution, notre association a décidé de se rapprocher
de Santé mentale & communautés, association depuis
longtemps proche de la nôtre, ce qui permettra
la poursuite des activités d’Orloges.